Jugé pour le viol d’une fille de 11 ans en 2009, un homme de 30 ans a été acquitté mardi soir par la cour d’assises de Seine-et-Marne. Huit ans de prison avaient été requis contre lui, mais les jurés ont estimé que le viol n’était pas caractérisé, a-t-on appris de sources concordantes, samedi 11 novembre.
Au terme de deux jours d’audience, mardi soir, ceux-ci ont argué que les éléments constitutifs du viol, « la contrainte, la menace, la violence et la surprise, n’étaient pas établis », a expliqué la procureure de Meaux, Dominique Laurens. Le parquet général a fait appel de l’acquittement vendredi, selon Le Parisien.
« Tombée dans son piège »
Les faits se sont produits en août 2009, a raconté Laure Habeneck, l’avocate de la jeune fille, aujourd’hui âgée de 20 ans. Elle s’était rendue dans un parc avec un homme, âgé de 22 ans à l’époque, qui l’avait abordée alors qu’elle jouait avec sa cousine à Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne).
Ils avaient eu une relation sexuelle, consentie selon l’accusé. Ce dernier affirme que la jeune fille avait menti sur son âge, en lui disant, selon son avocat, Samir Mbarki, « qu’elle avait 14 ans et qu’elle allait vers ses 15 ans », ce qu’elle conteste. La famille de la jeune fille avait eu connaissance des faits en 2010, en découvrant sa grossesse. Son enfant, 7 ans aujourd’hui, avait été placé dans une famille d’accueil.
La mère de la jeune fille s’est dite atterrée par le jugement, rapporte Le Parisien : « Cet homme a détruit la vie de ma fille, qui est tombée dans son piège. Après le viol, elle avait été placée dans une famille car elle était enceinte, c’était pour éviter les contacts avec les voisins. » « Pour ma cliente », ce verdict « est un deuxième traumatisme », a dit son avocate. « Je ne le comprends pas ».
« J’ai plaidé le droit, rien que le droit », a de son côté argumenté Me Samir Mbarki, avocat de la défense. « A charge pour le législateur de changer la loi. Ce n’est ni à l’avocat, ni à l’accusé de porter la responsabilité de cette défaillance légale. »
Relation sexuelle « consentie »
Cette décision intervient alors qu’une affaire similaire, révélée en septembre, a suscité la controverse : le parquet de Pontoise (Val-d’Oise) a décidé de poursuivre pour « atteinte sexuelle » et non pour « viol » un homme de 28 ans pour avoir eu une relation sexuelle avec une enfant de 11 ans.
Les enquêteurs ont considéré que cette relation était consentie car aucune contrainte physique n’a été exercée sur la mineure, alors que la famille de la fillette a porté plainte pour viol, décrivant une enfant tétanisée, incapable de se défendre. Le procès a été renvoyé à février, pour des questions de procédure.
A la suite de cette affaire, de nombreuses voix se sont élevées pour demander qu’un âge minimal soit fixé et qu’en dessous de cet âge, on ne puisse présumer que le mineur a consenti à l’acte sexuel. En France, aucune loi ne fixe cet âge minimum, à l’inverse d’autres pays européens. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes propose d’établir ce seuil à 13 ans.
Le gouvernement entend présenter l’an prochain au Parlement un projet de loi « contre les violences sexistes et sexuelles », notamment sur mineurs, a annoncé mi-octobre la secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. « Projet de loi en cours d’élaboration notamment sur la présomption irréfragable de non-consentement des enfants », a-t-elle d’ailleurs tweeté samedi, en réponse à une internaute qui l’interpellait sur l’affaire jugée en Seine-et-Marne.
Ce projet de loi, qui sera porté par Mme Schiappa aux côtés de la ministre de la justice Nicole Belloubet, devrait « acter l’allongement » des délais de prescription pour les crimes sexuels sur mineurs et « instaurer un non-consentement présumé » des enfants en matière de relation sexuelle.
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